Articles & Media

Musiques du monde

By Anne Berthod
Telerama
February 2, 2013

Apre ou suave, la voix de Kamilya Jubran épouse sur un écheveau de cordes raffiné -- alto, violon, violoncelle --, toutes les nuances de la poésie bédouine.

Depuis qu'elle a quitté la Palestine, il y a dix ans, la chanteuse et oudiste Kamilya Jubran n'a cessé d'emprunter des chemins contemporains toujours plus audacieux. Après ses expérimentations électro-acoustiques et les variations minimalistes en solo de Makan, elle trouve, dans ce nouveau projet en quintette, un fascinant équilibre entre épure et sophistication : le fruit d'une complicité de longue haleine avec Sarah Murcia, rencontrée en 1998 au sein du groupe palestinien Sabreen. Sur Nhaoul' (« métier à tisser », en arabe), la contrebassiste, qui s'est initiée aux quarts de ton et aux longues arabesques de la musique arabe, érige avec les autres musiciennes (alto, violon et violoncelle) un écheveau de cordes aux rythmiques complexes qui rehausse les compositions de Kamilya Jubran avec une rare sensibilité.

Cette dernière s'appuie sur des textes forts, poèmes en prose sur le chagrin d'amour, le désir, le désespoir ou la solitude des femmes bédouines. Sa voix âpre, nourrie de plaintes et d'évanouissements, en exalte la rugosité autant que la suavité, cultivant une aridité poignante, comme sur le sublime Kam, qui évoque l'espoir et l'agonie. Entre onomatopées caustiques et cordes dissonantes, ses trois Suites nomades, inspirées de vieilles poésies bédouines très rythmiques, sont plus radicales dans la forme. La dernière, pétrie de vocalises alanguies, est d'une sensualité folle.